Le Qatar place ses pions dans les banlieues

Publié le par qatarbook

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Ixchel Delaporte pour http://quartierspop.over-blog.fr

 

Actionnaire de plusieurs firmes françaises et propriétaire du PSG, l’émirat a décidé de lancer un fonds de 50 millions d’euros destiné à financer des projets d’entreprises issus des quartiers populaires. Décrypatge d’une initiative ambigüe.

 

Assiste-t-on à une renversement géopolitique ? Depuis plusieurs années, le Qatar entretient plus que des relations amicales avec la France. Après ses investissements chez Dexia, Vinci, Veolia, EADS et le PSG, cet émirat du Moyen-Orient se tourne aujourd’hui vers les entrepeneurs des quartiers populaires. Un placement stratégique et pragmatique. Jeudi dernier, son ambassadeur en France a annoncé l’octroi d’un fonds d’investissement pour soutenir les projets d’entreprise d’habitants issus des quartiers populaires français. «Le Qatar ce n’est pas que des paroles. Il faut agir. L’émir a décidé de créer un fonds de 50 millions d’euros pour travailler avec vous. Le fonds peut être augmenté», a-t-il souligné.

 

«Vous», ce sont dix élus locaux français originaires du Maghreb par qui tout a commencé. Dans le cadre d’un voyage au Qatar, ces élus de tous bords (UMP, EELV, Nouveau centre, Front de Gauche), adhérents ou sympathisants de l’Association nationale des élus locaux pour la diversité (ANELD), ont voulu montrer «la richesse des initiatives engagées dans les banlieues dans l’infromatique, dans l’aide à la personne, dans les marques de vêtement», explique son président Kamel Hamza, élu UMP à la Courneuve. Le but de cette délégation inattendue et pas forcément bien vue par l’ambassade de France au Qatar était d’abord de demander un fonds d’aide en direction des entrepreneurs des quartiers. Alors pari réussi ou pansement sur une jambe en bois ? Un peu des deux sans doute.

 

Haouaria Hadj Chikh, élue communiste à Marseille et candidate Front de Gauche était du voyage. Pour elle, il n’y a pas de contradictions. Au contraire : « Le constat d’échec de la politique de ville dans les quartiers est partagé par tous les élus de l’association. Le droit commun y est discriminant. Les pouvoirs publics délaissent la question sociale. Nous sommes des élus et nous devons des réponses aux gens. On demande le principe d’égalité républicaine. Si ce voyage peut permettre de montrer les carences de l’Etat, pourquoi pas. Voilà à quoi on en est réduits ! Et puis, il faut tester des choses sinon rien ne bougera jamais». Cette élue de gauche espère faire adopter des clauses sociales par cet émirat, actionnaire de nombreuses entreprises françaises. Notamment sur la question des discriminations raciales à l’embauche.

 

Ce projet ne relève ni de la charité, ni de la philanthropie. Car, le Qatar attend un retour sur investissement. Le pays vient d’envoyer quatre émissaires spécialistes financiers pour procéder à la sélection des projets. Dès lors, plusieurs questions se posent : combien d’entreprises auront droit au magot et quels seront les critères de sélection ? Kamel Hamza en est persuadé : « En pleine crise, cela permettra de créer de l’emploi. Le Qatar n’est pas une vache à lait. Il faut donner la chance à ceux qui ont des idées. Il faut récompenser ceux qui réussissent et ceux qui aiment la France». Il est donc bien question de trier, comme le fait le gouvernement (cordées de la réussite, internats d'excellence, Nos quartiers ont des talents), le bon grain de l’ivraie et, de facto, opposer les "bons" aux "mauvais" Français d’origine immigrée. Côté qatarie, l’investissement s’apparente à un placement à longue vue. Ce pays producteur officiel de pétrodollars a besoin non seulement de les faire fruticifier mais surtout de se donner une stature internationale en établissant un pont avec «les Français d’origine arabe» qui «peuvent nous aider dans notre partenariat avec la France», dixit l’ambassadeur. Une belle image à moindre frais. Reste que ce petit pays, aussi riche soit-il, ne réglera pas les problèmes de chômage que subissent au quotidien les habitants des quartiers populaires.

 

Publié dans Revue de presse

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