Nos très chers amis du Qatar

Publié le par qatarbook

 

Hervé Gattegno, rédacteur en chef au "Point",  sur les ondes de RMC  17 juin 2011

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Les critiques de Michel Platini, président de l'UEFA, contre le rachat du Paris Saint-Germain par des investisseurs du Qatar, ont suscité pas mal de commentaires. Pour vous, Platini commet une grosse faute politique : en France, on n'a pas le droit de critiquer nos très chers amis qataris... Vraiment ?


 Platini était plus adroit quand il était joueur : il tirait les coups francs comme personne. Cette fois, il tape complètement à côté. Son appel à "l'identité" des clubs qui serait menacée par les milliardaires, ça fait plutôt sourire. On n'avait pas vu que les dirigeants du foot se méfiaient à ce point de l'argent - surtout quand il est russe ou américain. Et s'agissant du Qatar en particulier, il ne doit pas savoir où il met les pieds - un comble pour un footballeur. Parce qu'il n'y a pas au monde un pays dont la France pense autant de bien que le Qatar. Et comme Nicolas Sarkozy aime à la fois l'émir du Qatar et le PSG, Platini a dû lui déplaire doublement.

 

Je vous sens ironique. Est-ce que vous trouvez qu'on a trop d'égards pour ce petit État ?

 

C'est plus que cela : notre République entretient avec cette pétromonarchie médiévale et islamique des relations trop cordiales pour être honnêtes. Le Qatar a tout pour être un pays infréquentable, mais on le fréquente assidûment. On aimerait qu'il y ait à cela des raisons géostratégiques, culturelles, historiques. En fait, les raisons sont évidentes et pourtant souterraines : elles se trouvent dans le sous-sol de ce pays grand comme la moitié de Monaco - d'énormes gisements de pétrole et de gaz qui lui assurent le plus haut revenu du monde par habitant et l'amitié intéressée des grandes nations occidentales. Parce que les Qataris travaillent peu, mais dépensent beaucoup.

 

On dit que le Qatar investit massivement en France en achetant des biens, des sociétés... Est-ce qu'il faut considérer cela comme une menace ?

 

Pas forcément. Contrairement à ce que dit Platini, l'identité française n'est pas forcément soluble dans le capitalisme financier. Mais c'est vrai que le Qatar utilise son fonds souverain - l'un des plus riches de la planète - pour prendre des positions en Occident - il a même failli entrer au capital d'Areva l'an dernier. Nous avons aussi avec le Qatar des accords de défense qui font de la France un gros fournisseur d'armement - notamment aérien ; d'ailleurs, le président du groupe d'amitiés parlementaires France-Qatar, c'est Olivier Dassault, ce qui n'a sûrement rien à voir... Que nos grands patrons défilent chez l'émir pour décrocher des contrats, c'est logique. Que les politiques de tous bords se bousculent à Doha tous frais payés, sous prétexte de colloques, ça pose plus de questions...

 

Posons la question clairement : est-ce que c'est une façon d'acheter, de corrompre les politiques ?

 

Oui. La générosité de l'émir n'est pas pour rien dans l'indulgence envers le Qatar - dont tout le monde se demande encore comment il a gagné le droit d'organiser la Coupe du monde de foot (en 2022) au milieu du désert. L'instrument de propagande du régime, c'est la chaîne de TV Al Jazeera, qui est un relais habituel des groupes islamistes. Et le Qatar participe aux opérations contre Kadhafi, mais il a aussi des accords avec la Syrie et l'Iran. Ça pourrait justifier une certaine vigilance. Au lieu de quoi l'émir est notre meilleur ami - comme jadis le roi du Maroc et le président Ben Ali - et nos députés ont voté une faveur spéciale pour les Qataris en France : ils sont exonérés d'ISF pendant 5 ans ! C'est sûrement ce qu'on appelle de l'immigration choisie...

Publié dans Revue de presse

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