Les prix Richesse dans la diversité du Qatar embarrassent-ils la mairie ?

Publié le par qatarbook

sarkozy_emir.jpgStéphanie FASQUELLE pour La Voix du Nord     le 15 janvier 2012

Après Dijon, Mantes-la-Jolie, Paris... le Qatar propose à Lille de récompenser ses talents dans les quartiers. PH. ARCHIVES MAX ROSEREAU Après Dijon, Mantes-la-Jolie, Paris... le Qatar propose à Lille de récompenser ses talents dans les quartiers. PH. ARCHIVES MAX ROSEREAU

C'est un courrier signé de l'ambassadeur du Qatar qui est arrivé au cabinet de Martine Aubry à la mi-décembre. « Donnez-nous le nom de gens qui, dans votre ville, ont un talent au service de la diversité », disait-il en substance. À la clé : un prix Richesse dans la diversité.

L'émirat adresse régulièrement cette demande aux mairies françaises. En 2011, une vingtaine de distinctions ont été remises à Dijon, Beauvais, Lourdes, Mantes-la-Jolie, Paris, pour des associations, des personnalités (notamment du sport), des entrepreneurs. « Je ne suis pas le PSG !, confie un électricien récompensé à Lourdes. Mais j'ai eu un chèque de 2000 E, ce n'est pas négligeable. » Si la ville de Lille a commencé à y réfléchir, elle se serait ravisée... « Nous recevons souvent des demandes de ce type. Nous préférons ne pas nous en mêler. Nous répondrons poliment, sans donner suite », indique-t-on au cabinet. Ou aussi : « Le courrier est dans les tuyaux, on n'a pas encore d'avis dessus. » Une sorte d'embarras est palpable. En cause : des questions sur la nature de ce soutien aux quartiers. Dans une ville de gauche, où l'on prône les valeurs de la laïcité, où l'on s'est péniblement sorti de l'ornière des horaires de piscine réservés aux femmes à Lille-Sud, un coup de pouce « partisan » du Qatar est-il recevable ?
« Ça me rend méfiant »

« Pourquoi veulent-ils nous donner des sous, parce qu'on est arabes ? », s'interroge Bouchaïb Miftah, directeur d'Attacafa.

Rencontrés dans le cadre d'une prochaine tournée de l'association au Qatar, des représentants de l'ambassade lui ont conseillé « d'envoyer un dossier. Mais sur quel projet ? Combien donnent-ils ? Ça me rend méfiant ».

Pour Mostafa Kouach, président du club de judo du Faubourg-de-Béthune, « la première question à se poser c'est pourquoi le Qatar choisit la France et les quartiers sensibles où se trouvent surtout des populations d'origine étrangère. Méfiance, tant qu'on n'a pas une idée claire de ce qu'ils vont demander ensuite ». Pour Redouane, bénévole associatif de Lille-Sud, la démarche ne surprend pas : « Au Maroc, le Qatar rachète des hectares de terrain à l'État et construit des logements sociaux... On sait tous qu'au Qatar, l'argent c'est no limit. Il cherche à améliorer son image.

 » « Des enjeux politiques finiraient-ils par émerger ? », interroge M. Kouach, lui qui oeuvre dans un quartier Politique de la ville, dont les crédits sont toujours ténus, remis en cause. Les fonds étrangers du Qatar peuvent-ils se substituer à l'État ?

La suspicion est forte, d'autant que dans le même temps, l'émirat a annoncé, le 16 décembre, la création d'un fonds d'investissements de 50 ME pour les banlieues françaises. « Ce n'est pas une bourse, c'est un soutien à des projets rentables », explique-t-on au service presse de l'ambassade, incapable de décrire les critères d'attribution et d'éventuels contacts avec Lille. « Le but est de rétablir de l'égalité là où des jeunes sont parfois victimes de discrimination. Trop de banques ferment la porte aux porteurs de projets », répond Kamel Hamza, élu UMP de La Courneuve et président de l'Association nationale des élus de la diversité. C'est cette dernière qui a soufflé l'idée au Qatar. « Ce n'est pas un soutien communautariste, ce n'est pas le Qatar qui a décidé de la répartition de la population immigrée dans les quartiers ! Si la démarche pose problème, qu'on lui dise aussi de se retirer du PSG ! » À Lille, un président d'asso issu de la diversité raille : « Le Qatar, c'est bien mais pas pour les mosquées ! » « Je n'ai pas d'avis sur la démarche du Qatar dans les quartiers, mon point de vue est strictement économique », répond le premier adjoint Pierre de Saintignon (lire également ci-contre). Christian Decocq, leader UMP de l'opposition, est moins pudique : « Ce n'est pas habituel par rapport à nos pratiques républicaines et laïques. Le Qatar est un état théocratique, on n'a pas à en faire un compagnon de route. Sans lui faire de procès d'intention, il faut se poser la question. Faudra-t-il transiger avec sa conscience ? »

Publié dans Revue de presse

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article